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Mots de travers
12 mars 2009

#07 - Une histoire de transport

    Hier je rentrais du boulot, en métro. Fatiguée par les verres de la veille qui nous avaient fait refaire le monde à coups de verbes, seule la voix suave de Mme TCL m’indiquant ma station m’empêcha de piquer un petit roupillon. J’avais quelques courses à faire qui me suggérèrent de prendre la correspondance, pour un seul arrêt mais bon, tant pis... Le ciel giboulé de Mars me pardonne, j’étais crevée.
    Je sortis de la rame avec difficulté, tant mon emploi du temps était peu différent de celui du commun des lyonnais usagers des transports et peu prompts aux transports de joie. Une dame me reprocha aigrement de la bousculer alors que je tentais vaillamment de m’extirper du flot à contre-courant qui oubliait ses bonnes manières de peur d’avoir à attendre la rame suivante. Une telle injustice me la fit poignarder d’une insulte dans le dos alors qu’elle s’éloignait à pas rapides. Je suis pourtant d’un naturel très calme. Le ciel giboulé de Mars me pardonne, j’étais énervée.
    Je marchais en zombie dans la fourmilière, ayant oublié dans ma somnolence ce fameux rêve de cigale qui ressurgit parfois les jours d’arcs-en-ciel. De ce qui s’est passé ensuite, je ne me rappelle à présent que des bribes, comme d’une image de nuit qui ne vous laisse que quelques instantanés même si vous savez bien que cela avait un début, un milieu, une fin et une continuité. Le quai est bondé. On attend. On attend. Mais que fait le métro ? Les gens se massent de plus en plus. J’ai peur pour les bonshommes TCL qui font face à cette foule d’impatients. Un coup de folie passagère, un passager mal luné, et l’ami TCL de tomber comme une quille sous les roues de l’implacable machine métropolitaine… Une vague de violence intérieure s’immisce tout à coup dans mes pensées. J’ai envie de frapper tout ce qui m’entoure.  L’abus de métro aux heures de pointe est dangereux pour la sérénité. Mais je suis d’un naturel très calme. Mon manque d’impulsivité sauva les quilles du strike. Puis je pense à autre chose, j’attends. J’aurais pu y aller à pied… pour une station… c’est ridicule… mais je reste. Le ciel giboulé de Mars me pardonne, j’étais enracinée.
    Plus on attend, plus on en a marre d’attendre, et plus on a de raisons d’attendre car l’arrivée de ce qu’on attend s’approche de plus en plus. Ce qui suscite l’angoisse, c’est de ne pas savoir quand l’attente prendra fin... Le métro finit par arriver. Mais comme il y a trop de monde tout le monde ne peut pas monter. Les portes se referment sur les mécontents. Il y en a un qui est très très mécontent à cause du petit teigneux qui sautille sur place à tel point qu’il semble uniquement constitué de tics nerveux, ou bien d’envies pressantes de s’isoler. À vrai dire ils sont sur le point d’en venir aux mains. Le belliqueux au torse bombé a assez mal vécu le fait que le petit teigneux se mette en travers de son chemin. Mais que font les amis TCL ? La tension monte. Je coupe le son de ma radio, offrant ainsi un simulacre de sourde oreille, mais restant aux aguets, le cœur battant. S’ils commencent à se taper dessus, serai-je dans le camp des badaux ou dans celui de ceux qui s’interposent ? Je ne le saurai pas encore cette fois, car un vieux monsieur équipé d’un sonotone vient se placer entre les deux querelleurs et désamorce le combat sans même, semble-t-il, s’en apercevoir. Il n’a même pas l’air d’avoir remarqué leur présence, pas plus que l’électricité corrosive qui transpire de leur ego. Il y avait un espace à cet endroit ; il s’est mis là, point barre. L’indifférence plus forte que la haine. Ils ne reviendront pas à la charge. J’entends le belliqueux au torse bombé dire à qui veut l’entendre qu’il n’a pas frappé l’autre uniquement parce qu’il y avait la police. Quelle police ? Les playmobils de chez TCL ? L’autre continue d’exhiber sa nervosité tressaillante à la ronde. Mais que fait le métro ? Le voilà. Je remets le son. Je serais sans doute allée plus vite à pied. Mais je voulais connaître la fin de l’histoire… le ciel giboulé de Mars me pardonne, j’étais intéressée.
    Et la fin la voici. Je fus sortie de la torpeur où j’avais à nouveau été plongée lorsque, attendant à la caisse pour payer les courses en question, cause de toute cette galère de rame souterraine, mon regard se posa sur le visage d’un bébé endormi devant moi, au milieu de la cohue des tapis roulants tournant à plein régime et de ma radio interne qui m’annonçait la dernière fusillade collégienne germanique. Alors je me réveillai tout à fait et ôtai ces oiseaux de malheur de mes oreilles, pleine d’un silence et d’une joie qui me transportèrent plus loin que n’importe quel métro ne le fera jamais. Du fond de mon anesthésie mentale, je redécouvris dans la pureté de son sommeil  que dormir est le seul acte sain pour lequel on accepte en toute conscience de devenir inconscient, et que le calme est la permanence sur laquelle vient parfois se greffer un trouble éphémère. Du fond de cette rame, j’avais oublié la trame de fond du monde. Le ciel giboulé de Mars me pardonne, j’étais aveuglée.
    La mère du bébé était d’une banalité désolante, mais je préférai m’abstenir de tout pronostic sur l’avenir de la sagesse et de la quantité de possibles renfermées par ces yeux encore formidablement clos. Il m’a semblé que cette anecdote était significative, et le ciel giboulé de Mars me pardonne, je sais à peu près exactement de quoi : elle m’a rappelé que le soleil reste là, même lorsque les nuages l’ont dissimulé.

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Commentaires
A
il faut rendre la monnaie de leur pièce au tcl. les usagés doivent faire une grève de leur moyens de paiement. il est hors de question de continuer a payer pour un service qui n'est pas rendu (entre guillemet les tcl ne devaient pas être définitivement payant) donc je vous invite a arrêter de payer vos tickets, vos abonnements et quoi que ce soit qui vienne des tcl. ils veulent faire plier l'état en tapant sur le peuple. le peuple a t il si peur de ces pantins? reveillez vous tous: ARRÊTEZ DE PAYER!!!
B
Merci !!!
C
Bravo bravo !! (dommage qu'à l'écrit l'enthousiasme de ma voix ne paraisse pas dans ce commentaire)
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