# 8 ; Vision

       Elle vient au monde. Tout doucement, elle ouvre les yeux. Tiens, elle se croyait ailleurs. Peu à peu, ses capteurs sensoriels s’éveillent, ses antennes se déploient.

Le ciel est noir, mais le sol gris argenté diffuse une pâle lueur. Au-dessus de l’horizon, elle distingue le clair de terre. Elle presse un bouton, un petit clic trouble le silence. Elle jette un œil sur l’écran pour vérifier, oui, tout est compatible. La vie serait possible ici, imaginable en tout cas. Encore faudrait-il le désirer, songe-t-elle. La machine calcule le génome parfait, alors qu’elle rêve en regardant la terre, si petite, si belle vue d’ici ; la combinaison génétique idéale pour une existence pérenne s’affiche. Dans un regard circulaire, elle imagine comment transformer cet univers hostile en terre accueillante.

        Elle ferme les yeux et revient au monde. Le clair de lune baigne le jardin d’une lumière irréelle ; elle perçoit les parfums des fleurs endormies et l’air frais de la nuit calme. Dans un frisson, elle ferme la fenêtre sur sa vision.